Cette semaine, j’ai invité Élodie sur le podcast pour nous parler de neuro-atypie. Spécialiste de l’hypersensibilité et des HPI. Dans cet épisode, Élodie nous parle de ce qu’est la neuro-atypie, elle apporte également des clés pour mieux comprendre son fonctionnement, mettre à profit son atypie et prendre sa place dans le monde quand on est neuro-atypique.
Bonjour Élodie, je suis très contente de t’accueillir sur le podcast, tu es une invitée que j’avais hâte de rencontrer. Je suis très honoré de passer ce temps avec toi et de pouvoir partager ton message avec les auditeur.rices. Pour te présenter, tu es atypique, tu as un parcours très riche. Tu as écrit des livres, tu as une maison d’édition, tu accompagnes les personnes à haut potentiel intellectuel et émotionnel, tu fais partie de l’observatoire national de la sensibilité. Bref, tu as mille cordes à ton arc, c’est vraiment très enrichissant.
Effectivement, je ne me suis pas toujours intéressée aux atypies, personnellement, ça a été un long cheminement. J’ai été au départ assistante sociale pendant des années tout en continuant mes études, puis j’ai fait de la médiation, puis des études psychologie / psychanalyste.
J’ai un parcours professionnel atypique, et je sais qu’en France, souvent les atypiques souffrent de ça parce qu’on peut les cataloguer comme instables. Sur le CV, je sais ce que c’est d’enlever des lignes parce qu’on va me demander “pourquoi vous avez fait ça, ça n’a pas de lien, etc”.
Mais vivant à l’étranger, je vois bien que par exemple la culture anglo-saxonne n’est pas du tout pareil. Bien au contraire, c’est plutôt valorisé de dire qu’on touche un peu à tout, qu’on a une grande curiosité et qu’on est passionnée. C’est ce qu’on appelle un Slasheur aujourd’hui pour dire qu’on a plusieurs cordes à notre arc et que c’est OK et qu’il faut peut-être arrêter avec l’élitisme de l’expertise. Bien que je n’aie rien contre les personnes qui s’orientent vers une seule thématique bien sûr. Mais ça permet aussi de décomplexer les personnes qui n’ont pas encore trouvé la passion de leur vie et qui touchent un petit peu à tout.
Complètement, et ça fait tellement du bien de te l’entendre dire. C’est vrai qu’en France, on ne retrouve pas forcément ça, encore plus dans le monde de l’entreprise donc merci, je crois que tu vas faire du bien à beaucoup de monde avec ce message.
Je trouve que ça tend à changer, les multipotentiels sont un peu plus valorisés. Et je vois aussi les grandes entreprises qui ont souvent des chercheurs de tête de profils atypiques et il n’y avait pas ça il y a quelques années. Je crois qu’il y a moyen de faire bouger les lignes si ça peut rassurer les personnes.
Je crois que c’est aussi lié à la confiance qu’on a en soi et en son potentiel. Alors, tu disais que ça a été un long cheminement pour toi. Est-ce que tu peux nous dire, pour les personnes qui nous écoutent et qui ne sont pas encore aguerris du sujet ou qui ont des doutes sur leur fonctionnement, de quoi on parle quand on parle de Neuroatypie et puis plus précisément après de haut potentiel intellectuel et multipotentiel, etc. ?
La Neuroatypie, c’est un fonctionnement du cerveau qui est différent ou structurellement différent, dans le cas de HPI, par son intensité, sa diversité, etc…
On recoupe donc dans les neuro-atypiques :
- Les personnes hypersensibles, on va plutôt parler de haut potentiel sensible ou de haute sensibilité dans le domaine scientifique.
- Les hauts potentiels intellectuels communément appelés surdoués ou philo cognitifs.
- Les TDAH, qui fait qu’on peut avoir des difficultés de concentration ou de l’hyperactivité.
- Les troubles DYS, ce qui concerne le trouble de l’apprentissage. On se rend compte que c’est souvent lié avec une autre Neuroatypie, donc il n’est pas rare d’être HPI et d’avoir des troubles DYS par exemple.
- On retrouve aussi tout le spectre de l’autisme qui est très large.
Tout ça ce sont les neuroatypies, ça veut dire que d’un point de vue médical, on a estimé qu’il y avait une norme de fonctionnement pour notre cerveau et en dehors de cette norme et on est Neuro-Atypique.
Après ça ne veut pas dire qu’on se ressemble tous parce que chaque personne neuroatypique à ses propres particularités qui sont teintés par son histoire, son éducation, sa culture, par les expériences et par tout ce qu’elle va vivre au quotidien. Ainsi, même si une autre personne a la même neuro-atypie que vous, ça ne va pas se colorer du tout la même manière. Et il n’est pas rare d’avoir plusieurs neuro-atypies.
C’est vrai que parfois le fait d’avoir plusieurs neuro-atypies, peut aussi “fausser le repérage” je pense par exemple à des personnes à haut potentiel intellectuel qui sont DYS à qui on a répété toute leur vie qu’ils étaient bêtes parce que leurs apprentissage n’était pas normé ou normatif par rapport aux autres élèves.
Encore une fois cette norme qui revient sans arrêt. Je pense qu’on est assez mal formé en France pour repérer les neuro-atypies, heureusement de plus en plus de professionnels vont au-delà de leur cursus universitaire.
Parce que dans les études de psy, à ma connaissance, il n’y a pas vraiment quelque chose de poussé sur ce sujet-là. En général, il faut se former après, donc ça demande du temps, de l’investissement financier, de l’énergie, et tout le monde ne le fait pas. Ça demande aussi de vouloir se spécialiser dans ce domaine, malgré tout ça ne concerne pas la grande majorité de la population, ça peut s’entendre que ça peut ne pas intéresser tout le monde.
De ce fait, il y a des erreurs de diagnostics et les tests sont labellisés, et donc à mon sens un peu cloisonné, on peut alors passer à côté de certaines neuro-atypies. Et ça ne va pas permettre de bien comprendre le fonctionnement de l’enfant ou de l’adulte.
Après, le but, ce n’est pas de mettre dans des cases, c’est juste que si à un moment donné, une personne est en difficulté, le fait de comprendre d’où la difficulté provient, c’est plus simple pour l’accompagner. On est toujours légitime à essayer de se comprendre davantage notre fonctionnement.
Oui, complètement, je trouve que le test permet de mettre des mots, de comprendre sa souffrance, son fonctionnement, etc. Et je crois qu’en France, on est plus formés à évaluer à travers les tests qu’à accompagner. Parce qu’après une fois qu’on a le résultat de son test, on fait quoi avec ?
Il ne faut pas oublier que toutes les personnes neuro-atypiques ne souffrent pas, il y en a plein qui ne verront jamais de psy ou en tout cas pas pour ce sujet-là et il n’y a pas de soucis. Il y a un gros biais cognitifs de penser que ces personnes-là sont forcément malheureuses, absolument pas !
Les personnes qui vont consulter, elles, ont effectivement une souffrance, mais ça ne veut pas dire que toutes les personnes neuro-atypiques sont en souffrance.
Par contre, s’il y a une souffrance, il faut pouvoir la détecter, il faut comprendre que le fonctionnement neuro-atypique, amène des symptômes et des réactions totalement différents pour chaque personne.
Et comme tu le dis, faire le test juste pour le test, ça n’a pas vraiment d’intérêt. C’est ce qu’on va ressortir du test, l’analyse que le professionnel formé et compétent va faire de ce test pour pouvoir accompagner ou rediriger la personne.
Je pense que ça peut être aussi très perturbant pour les personnes qui apprennent à se connaître. Quand on vient pour apprendre à se connaître, qu’on passe un test et que le résultat du test ne laisse pas penser à un haut potentiel intellectuel, mais en entretien, on a beaucoup de signes qui vont nous faire penser que oui, on peut être dans du haut potentiel intellectuel. Ou alors le test n’est pas probant, mais il est peut-être influencé par le DYS ou autre chose.
Sur ce sujet, j’ai une posture assez fermée. Une personne qui va passer un test, c’est pour avoir une réponse. Il ne faut pas oublier que si une personne en arrive à passer le test, c’est qu’elle s’interroge sur son fonctionnement, qu’elle se sent en décalage. Donc, le fait de dire que c’est incalculable pour moi, c’est une faute professionnelle. On ne peut pas laisser quelqu’un comme ça en disant que c’est incalculable.
Si on a besoin de psychologues formés et compétents pour faire passer le test, c’est parce qu’on a besoin de leur expertise professionnelle pour interpréter le test, sinon n’importe qui pourrait faire passer un test de QI. Le test n’est pas là pour donner un chiffre, le chiffre, on s’en fiche.
Et si le chiffre n’est pas probant, c’est dans sa posture, sa déontologie et son éthique professionnelle d’aller chercher pourquoi. Qu’est-ce qui fait baisser certains points, pourquoi dans son observation clinique, on peut repérer de la douance, mais que dans le test ça ne se voit pas.
Parce que le test de QI est un test de performance, ne l’oublions pas. Il y a un timing, il faut répondre rapidement et avoir une bonne réponse. Donc, il y a pleins de choses qui peuvent biaiser un test pareil : la fatigue, la crainte, les fausses croyances qu’on a sur soi, l’anxiété de performance, etc.
Ça me met en colère et j’ai plein de témoignages autour de moi où le/la psy a dit que ce n’était pas calculable donc il ne pouvait pas se prononcer. Mais enfin, elle est là son expertise professionnelle. C’est ce qu’on lui demande. Un test de QI c’est entre 300 € voire 700 € chez certains professionnels, c’est un coût qui n’est pas remboursé donc si je débourse cet argent-là pour qu’on me dise “je ne sais pas”, ce n’est pas possible.
Je suis entièrement d’accord avec toi, là où j’exerce, je récupère beaucoup de patients qui ont fait un test auquel on n’a pas su leur dire le résultat et donc on reprend tout à zéro. Parce que pour moi, le test, c’est un chiffre qui n’a aucun sens en dehors de l’observation clinique. Et après, on cherche à comprendre et surtout à accompagner. Mais je crois que c’est quand même très perturbant pour les personnes de déconstruire ce qui a été dit. Comme tu le disais, c’est un cheminement parce qu’on a aussi encore cette idée que le haut potentiel intellectuel, c’est être surdoué, ça veut donc dire être plus doué que les autres dans la croyance collective. Et en fait ça n’a rien à voir, c’est un fonctionnement qui est différent.
Exactement, c’est pour ça que souvent les surdoués eux-mêmes n’aiment pas trop ce terme. Il a été traduit comme ça parce qu’on avait médiatisé le génie de la douance et c’est encore l’image médiatique de ces enfants qui ont le bac à 13 ans, qui ont une calculette dans la tête, etc. Ce n’est pas du tout ça la douance, on peut parler de spectre de douance par exemple, tant, c’est large.
Alors certes, dans le cerveau, on repère un taux de myéline plus important, ce qui va générer une plus grande rapidité de pensée. Mais ça ne veut pas dire qu’il y a une plus grande intelligence. Ça ne veut pas dire qu’elle est utilisé tout le temps, dans tous les domaines. Quand on parle de neuro-atypie au sens large, on va plutôt parler de récepteurs qui captent le monde de manière différente. On l’interprète de manière différente et donc on y vit de manière différente.
Bien entendu, ça ne veut pas dire qu’on est toujours à côté de la plaque, on peut s’y adapter. Mais, ça génère une manière de voir les choses, de les interpréter et de les vivre différemment. Dans la douance, il y a effectivement ce côté intellect, on va dire plutôt cognitif, que tous les atypiques n’ont pas. Il y a plein d’intelligences possible et donc il y a plein de manières de développer sa douance cognitive.
Généralement, je me rends compte que les gens cherchent le truc dans lequel ils seront meilleurs. Le souci, c’est que c’est biaisé par notre société, par ce côté de performance sans arrêt et dans un seul domaine. Qu’il faudrait que ça se voit, alors même que des fois, ce n’est pas palpable et on a des compétences dont on ne se rend pas compte. Et c’est très compliqué de se rendre compte de ses propres compétences parce qu’on est compétent du moment où on y arrive, mais quand on y arrive, on trouve ça normal. C’est un peu le cercle vicieux, on se dit que c’est normal qu’on y arrive puisque c’est facile, mais c’est facile pour nous, peut-être pas pour quelqu’un d’autre.
Il y a aussi ça, le surdoué a une exigence très particulière parce qu’il a cette capacité à voir ses propres limites sans cesse. Donc forcément, il va se dire qu’il ne peut pas être surdoué, puisqu’il n’arrive pas à faire certaines choses. Ce terme peut effectivement mettre mal à l’aise et en même temps, je trouve quand même qu’il est intéressant parce qu’il y a ce côté “sûr” au niveau de la sphère cognitive.
Il y en a beaucoup qui vont me dire : “Où est le bouton OFF ?”. Et c’est très important de leur dire : “Il n’y en a pas, mais ce n’est pas un problème parce que votre cerveau est câblé pour”. Il faut arrêter de lutter contre ça, car c’est comme si on disait “mon cœur me fatigue, il bat tout le temps, comment je peux l’arrêter ?” Il ne vaut mieux pas quand même. Il ne faut pas l’arrêter, il faut le comprendre et l’apprivoiser.
Le souci, c’est que les neuro-atypiques ont tendance à se comparer aux neurotypiques parce que ce monde est fait pour et par des neurotypiques puisqu’ils sont majoritaires. Il faut repenser notre norme quand on est neuroatypique et se dire qu’on fonctionne différemment.
C’est quand on se pose toutes ces questions et qu’on est perdus que je trouve l’intérêt de voir un professionnel et de passer le test. Parce que l’observation clinique ne suffit pas toujours et le test peut apporter des indications en plus au psy. Ça va lui permettre de voir la globalité de la personne, son fonctionnement cognitif et aussi émotionnel puisqu’on ne peut pas différencier l’un et l’autre. Et c’est là où l’accompagnement est hyper intéressant.
Oui tout à fait. Il y a un point que tu soulevais, c’est le fait de se comparer aux neurotypiques. Ça fait tellement de bien quand des neuroatypiques se rencontrent pour se rendre compte que lorsque tu es dans le “bon contexte » tu es tout à fait normal.
C’est vrai que ce terme de philo cognitif est intéressant parce qu’il amène cette réflexion sociale. Cette envie de toujours vouloir pousser la réflexion, de philosopher sur pleins de choses qu’on ne trouve pas chez tout le monde. On peut se sentir un peu seul à vouloir refaire sans cesse le monde et ça peut faire du bien de trouver des semblables.
Après, attention aussi au fantasme et à l’idéal qu’on se fait, parce que beaucoup cherchent d’autres neuro-atypiques comme eux pour discuter, pour échanger et peuvent être déçus parce que ça ne suffit pas. Comme je l’ai dit, la neuro atypie est colorée par notre personnalité et tout notre parcours de vie. On peut ne pas avoir les mêmes valeurs et se faire du mal et être toxiques les uns pour les autres sans méchanceté aucune.
Tout à l’heure, tu parlais de se sur-adapter au monde, de construire un faux self, est-ce que tu veux bien nous en dire quelques mots ?
On appelle ça le syndrome du caméléon, comme l’animal qui change de couleur selon son environnement. Les personnes neuro-atypiques peuvent ressentir, et ce, dès le plus jeune âge, cette sensation de décalage. C’est vraiment inconscient et pour ne pas se sentir rejetés, parce que tout être humain a besoin d’aimer et d’être aimé, il va s’adapter à ce qu’il ressent, ce qu’on attend de lui. Que ce soit avec les parents, à l’école, avec les groupes d’amis, il peut plus ou moins y arriver de manière maladroite ou pas.
Et pour les femmes atypiques, c’est très particulier, on se rend compte qu’elles vont plutôt utiliser leur intelligence pour cacher leur intelligence. Parce que dans le sexisme ordinaire de notre société actuelle, ce n’est pas forcément très bien vu, de se mettre en avant en tant que femme. Il vaut mieux être à la seconde place, être dans l’ombre de quelqu’un. Ça, c’est vraiment très particulier aux femmes, ça ne veut pas dire qu’aucun homme n’y est confronté, mais c’est une majorité de femmes.
Et petit à petit, les atypiques vont tellement s’adapter qu’ils vont tomber dans la sur-adaptation. Et cette différence, elle est très intéressante et importante parce que s’adapter c’est bien, c’est une vraie compétence, mais, la sur-adaptation nous prend beaucoup d’énergie mentale et émotionnelle. On peut se sentir vidés ou épuisés par exemple à la fin d’une journée.
Mais aussi, on peut totalement se noyer dans ce que j’appelle le faux self, c’est-à-dire le faux soi. C’est comme si on portait un masque et on peut ne plus savoir l’enlever ou ne plus se rendre compte qu’on a un masque. Chez les personnes neuro atypique, ça génère beaucoup de burn-out et de dépression.
C’est souvent ça qui fait qu’elles explosent et qu’elles viennent consulter en nous disant “Je ne sais pas ce que j’ai, je n’y arrive plus, je n’ai plus goût à rien.”. Et en général, c’est parce que ça les a complètement épuisés au point où elles ne savent même plus qui elles sont. Et elles cherchent à redevenir quelqu’un qu’elles n’étaient pas.
Là, il y a un énorme travail d’accompagnement à faire. C’est long parce que ça demande une déconstruction de la croyance qu’ils ont d’eux même et de cette peur d’être rejeté.
Il y a aussi, après la passation du test, cette remise en question de toute leur vie. Je rappelle souvent aux gens : attention, on donne juste une pièce de puzzle supplémentaire, ça ne remet pas en question toute votre personnalité non plus. On reste quand même soi avec nos valeurs et nos passions. C’est important de rappeler que la neuro-atypie n’arrive pas d’un coup, on l’est de naissance et on vit avec toute notre vie. Donc, je pense que les gens ne se plantent pas totalement de vie même s’ils ne le savent pas.
Je suis entièrement d’accord. Souvent, on se demande aussi si on doit le dire à son entourage. Des fois, c’est à double tranchant.
Je pense qu’il y a un d’abord un travail de légitimité personnelle à faire. Ça peut être intéressant de demander à la personne pourquoi elle veut le dire, qu’est-ce qu’elle attend.
Souvent, c’est dans l’ordre de la reconnaissance face aux autres et je trouve intéressant de le travailler déjà pour soi. La neuro-atypie, c’est d’abord s’assumer. S’assumer, ça ne veut pas dire qu’on porte un T-shirt avec écrit “Je suis neuro-atypique” c’est se laisser le temps de digérer l’information.
Après, je comprends qu’on ait envie de le partager avec des personnes de confiance et c’est ce que je propose, mais ces personnes-là est-ce qu’elles connaissent un peu le sujet ?
Parce qu’on a tous des préjugés et ça peut être très douloureux, même si ce n’est pas méchant, de se confronter à quelqu’un qui va dire “Ah bon ? Mais t’es sûr, c’est bizarre quand même ! C’est encore un effet de mode, etc.”. Ce genre de phrases clichées qui peuvent être extrêmement douloureuses.
En tant que professionnel, il faut préparer à ça. Mais en soi, oui, je trouve ça bien et beau que les personnes neuro-atypiques parlent. Parce que je trouve que sur les réseaux et dans les médias, les personnes qui parlent le plus de ce sujet, sont des personnes qui ne le connaissent pas et qui ne le vivent pas et ça m’agace.
C’est vrai que c’est un sujet délicat à aborder. Tu parlais des femmes et ça faisait partie des points que j’avais envie d’aborder. Je ne sais pas d’où ça vient, mais j’ai l’impression que les femmes ont plus de difficultés à se reconnaître ou à accepter leur neuro-atypie.
Ça dépend des neuro-atypies, alors que les neuro-atypies ne sont absolument pas genrées. Je me rends compte que les femmes arrivent facilement à dire qu’elles sont potentiellement hautement sensibles, c’est quelque chose qui ne les dérange pas, par contre parler de la douance, là, c’est plus compliqué.
À l’inverse pour les hommes, la douance n’est pas forcément un sujet qui va les mettre mal à l’aise, par contre l’hyper sensibilité beaucoup plus.
Pour les femmes, je pense que 80-90 % d’entre-elles s’interrogent sur leurs douances lorsqu’elles ont un enfant qui a été détecté surdoué. Elles vont aller consulter pour leurs enfants, le/la psychologue va leur dire que leur enfant est certainement surdoué et va poser la question de savoir si elle / le papa / quelqu’un dans la famille l’est également et dans 100 % des cas, elles disent que c’est forcément le papa.
On le voit à la passation du test aussi, la majorité des hommes vont être soulagé après le test, ça va apporter des réponses, même s’il y a bien sûr beaucoup d’émotion derrière. Tandis que la femme va être paniquée, dans beaucoup de cas, elle va mettre du temps à accepter. Parfois même des années, elle peut remettre en question l’expertise du professionnel. Il y a vraiment quelque chose chez la femme qui va bloquer l’acceptation.
Et ce n’est pas pour rien, elle va mettre toute son énergie et son intelligence à cacher son intelligence. Et dans les faits, on peut le comprendre parce qu’on lit beaucoup de femmes qui disent que par exemple, une fois qu’elles ont su qu’elles sont surdoués, leur mari les ont quittés. À l’inverse, on ne lit pas de témoignages de femmes qui quittent leur mari, car il est surdoué. Je pense qu’il est important de se rendre compte qu’elles savent l’impact que ça peut avoir sur leur vie et qu’elles peuvent faire face au rejet. Et je me questionne, pourquoi on rejetterait une femme surdouée ? Il y a une vraie question sociale à se poser.
Je pense que les femmes le savent inconsciemment et c’est pour ça que beaucoup ne veulent pas passer le test. Parce qu’elles savent que ça peut changer beaucoup de choses et elles ne sont pas prêtes.
Je trouve ça beau quand les femmes assument leur atypie. Et c’est pour ça que j’ai lancé le hashtag #femmeatypique sur les réseaux sociaux suite à mon livre et j’aimerais que les femmes l’utilisent de plus en plus. Je trouve que c’est justement à elles de porter ça et de montrer que c’est OK d’être atypique.
C’est génial ! Alors, on passe le message, utilisez le #FemmeAtypique comme ça on va contaminer le monde avec notre atypisme. En plus, tout le monde y gagne, les atypiques et les typiques parce que ce n’est pas mieux l’un ou l’autre, ce sont juste différents fonctionnements.
Exactement et on est des milliards sur cette planète, et chaque atypique a son propre fonctionnement, sa propre histoire.
Souvent, dans le monde du travail, la question, c’est : “Je ne sais pas quelle est ma place”. Et je crois que beaucoup trop d’atypiques attendent qu’on leur donne une place. Ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne, personne ne va te dire où est ta place, chaque individu se doit de construire sa propre place.
C’est là tout le travail de l’accompagnement.
Quand on parle d’accompagnement, il faut rappeler qu’on n’accompagne pas les personnes neuro-atypiques de la même manière que les neurotypiques parce qu’elles vont très vite. Elles ont une grande introspection personnelle et auront besoin de plus d’autonomie. C’est pour ça que ça ne veut pas dire qu’il faut forcément consulter un psy spécialisé, c’est plus une question de feeling.
Et, le psy n’es pas là pour donner des réponses, ce n’est pas un magicien. Il ne vous connaît pas, il va pouvoir aider avec ce que vous lui apportez.
Complètement, je dis tout le temps “J’éclaire vos pieds, vous faites le chemin”. Parce qu’on peut faire un bout de chemin ensemble, mais le but, c’est que la personne fasse son propre chemin selon ses valeurs et selon ce qu’elle a envie de réaliser.
Je crois qu’à un moment, il ne faut pas hésiter si on est bloqué et qu’on est un peu perdu. Il ne faut pas se dire qu’on peut le faire seul. Surtout que les thérapies avec les neuro-atypiques durent beaucoup moins longtemps. En général, ils ont besoin d’un petit coup de pouce et ils repartent, ce sont des vraies locomotives.
Tout à l’heure, tu parlais de l’expérience des mamans qui découvrent que leur enfant peut être concerné par la douance. Donc, il y a un caractère héréditaire à la douance. Est-ce qu’on le sait vraiment aujourd’hui ?
Scientifiquement, non. Mais pour moi la science ça reste une croyance comme tant d’autres et ça évolue. Avant qu’on prouve les choses de manière scientifique, il y a souvent des observations cliniques de plusieurs professionnels et elles sont aussi à légitimer.
Alors, on ne peut pas dire que c’est à 100 % sûr, mais, tous les experts dans le domaine relèvent qu’en général quand il y a un enfant surdoué, un ou les deux parents ou peut-être un des grands-parents est également surdoué, donc je trouve que c’est intéressant de le garder en tête. Ça ne veut pas dire que c’est automatique, ça ne veut pas dire qu’il y a une preuve scientifique comme certains voudrait, mais c’est quand même une piste à explorer.
Et je trouve que ça amène aussi de la compréhension et de la compassion par rapport à nos propres relations familiales quand on va comprendre le fonctionnement de l’autre, comment ça a pu être transmis, etc. Ça permet aussi parfois d’apaiser les choses.
Oui totalement, et puis c’était aussi une autre époque, je suis peut-être un peu optimiste, mais je pense qu’on tend quand même à s’améliorer sur la bienveillance, l’écoute de soi, les émotions, la communication, etc. De génération en génération, on a beaucoup plus d’outils en ce sens.
Même si encore aujourd’hui, je trouve qu’il y a du chemin à faire, avant, c’était encore pire. Donc être neuro-atypiques avec toute l’intensité émotionnelle que ça peut engendrer, ils ont fait ce qu’ils ont pu avec ce qu’ils avaient.
Complètement et ils ont transmis ça parce qu’on leur avait eux-mêmes transmis. J’observe qu’il y a beaucoup de personnes neuro-atypiques qui manquent de confiance en eux et qui se disent “Je n’ai pas le droit de montrer mes faiblesses, mes vulnérabilités, parce que je dois être fort”. C’est juste de venir déconstruire ça, de comprendre comment c’est venu colorer notre propre fonctionnement, et construire qu’on peut fonctionner aussi autrement.
Ça, ce sont vraiment des croyances culturelles, sociales, éducatives à déconstruire.
C’est pour ça que je trouve que c’est intéressant de se faire accompagner par une personne qui va mettre ça en exergue. Parce que même si lorsqu’on le dit ça nous parle, on ne se rend pas toujours compte des croyances qu’on a dans nos discours.
Et les neuro-atypiques ont souvent beaucoup de croyances sur eux-mêmes. Et comme ils se remettent beaucoup en question et qu’ils ont une grande introspection, ils se remettent mal en question, ils s’autoflagellent en permanence.
Ça je le retrouve aussi beaucoup chez les femmes. D’ailleurs, quand elles vont consulter, c’est souvent dans cette optique :“Je sais que ça ne va pas, je veux m’améliorer, ça ne va pas comme je suis”. Et en fait, peut-être que tout va bien et que c’est l’environnement et le contexte qui n’est pas adapté à qui vous êtes.
Il y a une phrase qui circule sur les réseaux et que j’aime beaucoup, c’est que quand une plante ne pousse pas, on ne lui en veut pas. On se dit juste qu’on l’a certainement mal arrosé, ou pas donné ce qu’il lui fallait dans son environnement pour qu’elle pousse. On ne se dit pas que la plante à un problème. Donc c’est la même chose pour les neuro-atypiques. Vous n’avez pas forcément de problème, la meilleure connaissance de soi-même permet d’adapter l’environnement à qui on est.
Complètement, et pour faire le pont avec les enfants neuro-atypiques, les enfants surdoués ou haut potentiel intellectuel. Finalement, est-ce qu’il y a un intérêt à poser un diagnostic, à faire passer un test à un enfant, notamment un enfant chez qui ça pourrait générer de la souffrance, des difficultés scolaires, etc.
Moi, je ne suis pas contre, je crois que c’est important. Ça dépend l’âge de l’enfant, en général, on dit qu’avant 6 ans ça peut être délicat. J’aime bien savoir que l’enfant est acteur de la démarche et qu’il comprend pourquoi il va passer un test.
Je pense qu’il faut comprendre la demande derrière, si le parent à vraiment des difficultés d’accompagnement de son enfant. Est-ce que c’est vraiment ça qu’il recherche. Et c’est le travail du professionnel de comprendre la demande et la souffrance derrière. Comme on l’a dit, ce n’est pas juste faire passer le test, c’est pour aider à quelque chose.
Mais je pense que oui, beaucoup d’enfants ressentent le décalage très jeunes. Si on interroge les enfants de 3-4 ans qui sont surdoués, ils le disent avec leurs mots. Par exemple : “Je n’aime pas rester avec les autres enfants, je n’aime pas faire comme les autres enfants, je crois que j’ai un problème parce que je ne veux pas jouer avec leurs jeux, etc.”.
Ça peut déclencher beaucoup d’angoisses chez l’enfant, donc le fait de pouvoir lui expliquer, que c’est parce que son cerveau fonctionne différemment et qu’il a des besoins différents. Ça peut rassurer l’enfant, les parents et puis on peut s’adapter, il y a de plus en plus d’écoles ou des classes spécialisées pour les enfants atypiques. Et on voit l’impact positif sur ces enfants en fait de comprendre qu’ils sont différents et que c’est OK d’avoir cette différence. Je pense qu’on les sauve d’un gros syndrome de la sur-adaptation pour plus tard.
Après, ce n’est pas obligatoire, le test n’est pas obligatoire. Il y a énormément d’enfants et d’adultes qui ne savent pas qu’ils sont neuro-atypiques et il n’y a pas de problème avec ça. Mais s’il y a une souffrance, je pense que ça peut être important et ça peut soulager tout le monde.
Oui et puis ça aide aussi à accompagner son enfant. Surtout si les parents sont eux-mêmes HPI, comprendre comment ils fonctionnent et s’autoriser à enlever le masque, permet ensuite de créer une belle connexion avec l’enfant.
On ouvre une porte incroyable à ce moment-là. Je dis souvent que c’est un moyen de se reconnecter à sa propre enfance, de faire le deuil d’un certain nombre de choses.
Alors il y a des peurs à accompagner à ce moment-là, parce qu’on se dit “Pour moi, ça a été tellement compliqué d’être différent, je n’ai pas envie de ça pour mon enfant”. Oui, mais justement vous vous ne le saviez pas, c’est ça qui était compliqué, de ne pas savoir, de ne pas comprendre, de ne pas mettre des mots dessus en fait.
Tandis que là, l’enfant le sait, le professionnel va pouvoir expliquer son fonctionnement, vous rassurez et vous allez faire ce chemin à deux. Il y a une chanson que j’aime beaucoup Mon p’tit gars – Drôles de dames. C’est une chanson que j’aime beaucoup, et je pense que la chanteuse, c’est peut-être sa situation. Elle chante en tant que maman d’un petit garçon qui va trop vite et lui explique, ne t’inquiète pas, c’est normal, vas-y cours aussi vite que tu veux parce que, je cours à la même vitesse que toi. Je la trouve puissante cette chanson parce que je pense qu’on peut rassurer ces parents qui ont fait la démarche de ne pas laisser leur enfant comme ça. Et c’est le plus beau message qu’on peut dire à un enfant.
Je suis émue rien qu’en t’écoutant, ça transmet tellement d’amour et je crois que plus on va sensibiliser le monde à ce sujet-là, plus on va pouvoir courir tous ensemble. Chacun à son rythme, chacun à sa façon en créant du lien. Et donc plus on va accompagner les enfants et les adultes à se découvrir et à assumer cette part d’eux-mêmes plus tout le monde aura à y gagner.
Et comme je dis souvent aux parents quand ils viennent avec leurs enfants, moi je vois l’enfant quelques séances 3 ou 4 de toute manière après, on perd sa concentration. Et on travaille par problématique, on n’est plus dans les formes de thérapie ou on se voit toutes les semaines. On est dans une forme active où le patient à sa place d’acteurs ou actrice et c’est très bien comme ça.
Merci Élodie, c’était un vrai plaisir et puis j’espère que ça vous fera du bien à tous de vous rendre compte que tout est OK, vous êtes normal.
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